En bus
Ils sont deux, on voit de suite qu'ils sont ensemble.
Elle s'assoit près de la vitre embuée, lui à côté d'elle.
Ils ne se regardent pas.
Elle a le visage rond de ces femmes de l'est de l'Europe, doublement couvert par un foulard de couleurs vives et une capuche. Elle essaie de se persuader mollement que le paysage a un quelconque intérêt, son regard vert glisse sur les gens.
Très vite, lui se relève, sans un mot, et vient se poster à la porte automatique. Il a le visage carré et basané des gens de la steppe. Visage impassible, impénétrable.
Au premier arrêt, il ouvre la porte, se penche à l'extérieur en se tenant d'une main à une barre et regarde vers l'avant du double bus. Il observe, à l'affût, son regard vert fouillant l'horizon du trottoir. Il tient de la proie et du prédateur. Certainement guette-t-il un contrôleur, sereinement.
Puis, le bus se remplit peu à peu, quelqu'un s'assoit à côté de la fille, le garçon disparaît derrière d'autres passagers. Peut-être sont-ils descendus, peut-être ont-ils disparu.
Deux jeunes, beaux, étrangers dans les rues de la ville, immigrés, déracinés, en perpétuel transit, devant traverser comme des voyageurs sans bagages.
1 commentaire:
Bien beau texte, Monsieur, à la belle écriture et très évocateur. Beaux portraits d'inconnus, à peine croisés, déjà disparus.
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