dimanche 10 mai 2009

Chez Bocuse

La réception du mariage avait donc lieu chez Bocuse, à l'Abbaye de Collonges-au-mont-d'or‎.

Quand on parle de Bocuse, s'est pour sa cuisine primée tant de fois. Mais sur place, on découvre que la décoration est très particulière, axée sur les Limonaires, les miroirs et les chevaux de bois des carrousels. C'est parfois un peu chargé et pas forcément d'un goût irréprochable, mais ça a le mérite d'être distrayant et coloré. Dès le passage de la porte, tenue aimablement par le maître d'hôtel, une odeur de bois brûlé m'a raclé la gorge. Ma femme a trouvé que cela faisait vrai, moi, ça m'a fait penser à ces vieilles cuisines où le mur du fond n'est qu'un âtre. Je n'aime pas l'odeur de la suie froide.
Pourtant, les cuisines n'ont pas de foyer à bois. Elles sont spacieuses et donnent, par de larges fenêtres, sur la cour de l'entrée du restaurant. J'ai toujours pensé que faire la cuisine dans une pièce sans fenêtre était comme ramer dans une galère à fond de cale. Ici donc, les cuisiniers ne sont pas cachés et reclus comme des miséreux. Ça, j'aime bien.
Et quand on est chez Bocuse, si lui n'est pas là en personne, on ne peut rater son regard sur les photos tapissant les murs ni ses diverses statues toquées de blanc. Dès l'entrée, la vielle cuisine de sa grand-mère Marie accueille le client. Elle est telle qu'en 1924, avec son petit évier en pierre et ses 4 mètres carrés. C'est touchant, voire émouvant, jusqu'à ce qu'on voit, en vraie grande, la statue du chef en cire. Là, j'avoue avoir fait la moue. L'effigie de Marie aurait été de meilleur ton. Dans les deux salles de réceptions, une double frise de noms de cuisiniers illustre le haut des murs. Il faut reconnaître que Bocuse a toujours su faire partager son savoir-faire avec ses pairs et ne se l'est pas trop joué perso. Voilà un deuxième bon point.

Les invités sont arrivés à l'heure et le cocktail a démarré en musique. Deux guitaristes, dont un chantait, nous ont servi du blues et du country. Petites choses à manger ou à avaler ont fait leur apparition puis disparition dans la salle. Je n'ai pas franchement apprécier les cuillers pour leur taille trop grande pour une bouche, ni les brochettes bien trop salées. En rajoutant que la disposition des tables pour se servir ne permettait qu'une vilaine mêlée pour réussir à choper une faïence, je n'ai pas aimé ce temps. Nous en avons quand même profité pour faire des photos de groupe, et je crois que cette fois, je suis sur l'une d'elles. Les serveurs étaient excellents, suffisamment guindés sans être obséquieux, souriants et efficaces. La salle où nous étions, sorte de véranda très haute, comportait plusieurs limonaires. D'un côté elle donnait sur un mini-cloître où sifflotait une fontaine, et de l'autre sur l'extérieur où les fumeurs allaient s'aérer les poumons. La partie haute était parcourue d'une galerie sur trois côtés.

Puis nous fûmes conviés pour le repas. Nous avons attendu un instant dans la première salle à manger que tout le monde fût là, puis le rideau rouge s'est ouvert et la musique a éclaté en accords triomphants. Les convives font leur entrée ! Le mur du fond de la deuxième salle n'est qu'un seul immense limonaire, composé d'une foule d'automates et de tuyaux, brillamment éclairé et formidablement tonitruant. De quoi réveiller la belle au bois dormant et ses copines. C'est assez impressionnant la première fois que tous ces décibels cadencés vous tombent dans le pavillon ! Amusant aussi et assez excitant. Tout le monde entre donc dans la salle et reste quand même un peu médusé devant le spectacle et la musique. Les plus terre-à-terre cherche leur table, moi je savoure et filme. J'aime vraiment les limonaires et les orgue de barbarie.
Notre table est bien belle et nous ne connaissons pas les personnes qui s'y trouvent. C'est très bien de mélanger les invités d'une noce, il faut que les gens se rencontrent. Nous n'avons pas eu des personnes très bavardes à notre table, mais on ne peut leur en tenir rigueur.

Les mariés ont fait leur entrée en grande musique, puis l'entrée a été servie. Une dorade fondante, avec une idée de viennoiserie qui ne m'a pas plu. J'avais l'impression de saucer un burger de fast food. Mais la daurade... superbe ! Aucune pause n'est venue arrêter le repas jusqu'au dessert. Nous avons donc poursuivi par un canard couvert d'un foie gras (j'ai oublié les termes exactes), champignons et gratin dauphinois, nappés de sauve au vin. Je me suis régalé avec le canard, le sauce et les champignons. Le reste était en trop, même si j'ai tout mangé. Tout ceci manquant trop de verdure pour moi qui suis pourtant très carnassier. Chaque plat était introduit par un air au limonaire, et les serveurs descendaient les escaliers jusque dans la salle. J'aimais les regarder virevolter autour des tables, tous à l'unisson pour servir à boire, débarrasser ou apporter les assiettes. Le fromage était sec ou blanc, je pris le sec et me régalais d'un tiers de saint Marcelin. Par contre, j'ai trouvé le chèvre un peu bizarre. Et pendant tout ce temps, mais avec des pauses, les musiciens se déchaînaient sur la scène. Trois guitares et un batteur, un chanteur qui nous emmenaient loin dans son voyage, un palette variée de chants bien menés. Merci les gars !

Un coup de limonaire annonça l'apparition du gâteau couvert de piques scintillant. Les mariés en ont symboliquement coupé un morceau.
Puis ce fut la première danse, ouverte par le couple nuptial, non pas sur une valse, mais sur une danse du pays des parents de la mariée. Simple, très douce, nous nous y sommes tous associés pour un deuxième tour. Les hommes sur le milieu et les femmes sur l'extérieur, un peu en face à face tout en avançant doucement. Cela donnait l'idée d'un peuple en marche, humble et paisible, ouvrant le chemin d'une grande paix. Mais la suite fut bien plus mouvementée puisque les danses barbaresques modernes prirent le dessus. La mariée et ses amis avaient monté un spectacle bien amusant, et même le beau-père de la mariée a eu son instant de gloire avec la belle-fille. Vraiment sympa. Nous avons tous pris la piste sur un madisson très classique, puis enchaîné sur des rocks. Pas de valse, pas de fox-trot, pas de tango.
Le dessert est arrivé plus vite que son ombre puisque là, les serveurs descendaient et montaient l'escalier en courant. La musique, celle qui est jouée dans les cirques, donnaient le rythme de ce défilé de fou ! A chaque instant, on s'attend à ce qu'une assiette joue les soucoupes volantes poursuivie par un serveur en super-man. Mais non, tout s'est bien passé. J'ai pu manger les délicieuses framboises et le petit bout du fraisier, la glace à la vanille sur son coulis. Par contre, le champagne était vert, même de l'avis des voisins.

A partir de là, je ne me suis pas fait prié pour rocker avec ma femme. J'en ai même enlevé une sous-couche pour avoir moins chaud malgré les ventilateurs tournant au plafond étoilé de la salle.
Pour clore le repas, quelques tartelettes sucrées et la possibilité de se prendre une boule de glace dans un simple cornet blanc.
Vers une heure et demi, sans être les premiers à le faire, nous avons pris congé de la fête. Heureux, fatigués sans plus. Je serais bien resté encore.

Voilà une repas de mariage très sobre qui s'est déroulé dans un endroit plutôt exubérant à la réputation de bonne chère. Un vrai contraste. J'ai bien aimé l'ambiance bon enfant, l'absence de débordements, la bonne tenue de tous tout en faisant la fête. Quant au menu servi, il était de bonne qualité. Juste de bonne qualité. Pour un établissement tant étoilé, bardé de bibindomes blancs trônant au dessus de l'entrée des chiottes, on pouvait espérer plus. Ne crachons pas dans la soupe, encore moins celle des mariés qui ont su faire les choses en grand pour le plaisir de tous. Ce fut une excellente soirée.

1 commentaire:

Calyste a dit…

Et bravo pour l'imparfait du subjonctif!
Bonne nuit à toi aussi. Bises, R.