samedi 18 avril 2009

Pâques

Pâques a eu lieu en famille, comme assez souvent quand on y repense.
Nous étions dans ce petit village de la Drôme, endroit que j'affectionne pour ses maisons serrées bordant les rues sinueuses et étroites laissant pourtant le regard s'envoler sur les monts du Vercors.

La première qui nous a accueilli fut une chatte collante et miaulant dont l'assiduité des assauts était emprunt d'onctuosité féline. Jamais elle n'abandonna la partie, fidèle sur le bord de la fenêtre, dans les rues, sur les parapets, allant jusqu'à rentrer dans la maison qui n'est pas la sienne.
D'autres chats et même un chien ont ponctué ces journées, quelque soit l'heure, comme un fil rouge, comme une attention particulière. Tous ces pelages à caresser, ces flancs à flatter, ces poils virevoltant sur les vêtements, ces yeux qui se ferment de plaisir, ces roulades, ces appels interrogatifs ou admiratifs. J'avais l'impression qu'ils n'attendaient que moi.

Le samedi soir, nous sommes allés à la veillée pascale dans la ville toute proche. Nous devions retrouver ma belle-mère dans l'église en forme de croix. J'y ai aussi retrouvé ces instants magiques de mon mariage, jour de soleil habillé de blanc, jour de fête et de communion entouré de la famille et des amis, jour de chants et de danse.

L'église était déjà dans la pénombre et la répétition de chants s'ajoutait au brouhaha des conversations des gens qui s'installaient. Nous avons dit bonjour à quelques connaissance dont une a dit "ça fait plaisir de vous voir ici" et elle le pensait. Ça m'a touché, et j'ai reçu son plaisir. Ma belle-mère est finalement arrivée plus tard que prévu, mais nous avions gardé une place pour elle.
La veillée a commencé dans le noir, le feu a été allumé et béni, le cierge pascale en a pris la lumière. Nous avons chanté puis écouté, dans un dialogue entre le prêtre et des enfants, les textes de la Pâque des Hébreux. Libération, marche, Dieu sauveur. Les chanteurs solistes étaient tout particulièrement étonnants, apportant fraîcheur et ravissement. Le prêtre de la paroisse ne m'était pas inconnu puisque je l'avais eu comme professeur d'exégèse en 82, à Lyon. Il était bien sûr plus vieux, les cheveux bien blancs. Un autre prêtre me fit faire un voyage encore plus long, me ramenant à mes années de lycée, vers 77 à Romans où il était l'aumônier de notre établissement. Je ne l'aurais pas reconnu tant il avait vieilli, mais je n'ai pas oublié son nom ni les instants passés avec lui à faire un roux pour des petits pois ou à talocher à la pâte à papier colorée les murs de l'aumônerie. Deux hommes que j'ai apprécié dans ma vie, retrouvés en cette veillée pascale.
Après les textes, lecture pour la mémoire et l'histoire, des enfants ont été baptisés ainsi qu'une adulte. Nos petits cierges pointillaient l'espace de leur faible lueur, séparant les ténèbres du haut des ténèbres du bas. Je ne sais même plus ce qui a été dit, j'étais là et ailleurs, mais j'étais bien, calme et paisible, à la limite de la conscience. Vers dix heures, les cloches ont sonné alors que nous chantions le gloire à Dieu. Vers minuit, nous sommes partis rapidement pour ne pas se faire prendre dans les embouteillages de voitures qui auraient immanquablement bouchés la seule petite rue redescendant la colline. Ressuscito ! chantaient les jeunes, fouillis de voix et de danses. Ressuscito ! Donde esta la muerte ? Si nous mourrons avec Lui, avec Lui nous vivrons. Alléluia !
Bien sûr que j'y crois !

Juste devant nous, l'espace le permettant, une jeune fille en fauteuil électrique s'était installée. D'une vingtaine d'années, elle dirigeait son véhicule avec le menton posé sur une manette creuse. Du bout de son nez, elle faisait monter et descendre son siège, se plaçant au dessus des rangées de personnes devant elle. Ses parents lui parlaient, lui souriaient, riaient avec elle qui restait assez inexpressive mais pas muette. D'autres jeunes venaient la voir pour lui parler ou lui faire une bise. Mort, où est ta victoire ? Pas d'apitoiement en cette célébration de la vie, que du bonheur de pouvoir vivre, là et maintenant, à fond.
Nous n'avons pas eu les œufs en chocolat distribués à la sortie, nous n'avons pas eu de bouchon pour raccompagner belle-maman chez elle.
La nuit s'était éclairée, un jour nouveau se pointait, jour de résurrection.

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