lundi 15 septembre 2008

Défilé et spectacle

Comment exprimer et rapporter un tel moment ? Tellement de personnes, de mouvements, de sentiments.

Tiens, je commence par les sentiments. Finalement, c'est ce qui me paraît le plus intime ici.



Lorsque j'arrive sur la place des Terreaux, sur le chemin des loges, j'ai une bouffée de plaisir, car dans quelques heures, ce sera mon aire d'envol. Pour l'instant, la place est vide, encadrée sur sa partie centrale de barrière qui délimitent le "parc à bestiaux". Devant le Palais Saint Pierre, les gros chars sont déjà en place.
Je ressens ici toute la liberté dont j'ai rêvé, en totale contradiction avec le siège dont la place est le sujet. Je respire, je vis.

Puis, c'est les premiers danseurs aperçus, puis le premier groupe costumé qui pose pour la photo. Tant de joie commune me font sourire aux anges. Je sais, ça peut paraître benêt, mais je suis comme ça.

Par contre, la vue de tous ces gens, inconnus, qui se retrouvent devant la ligne de départ, colorés et bruyants, me serre à tout les coups la gorge, une sensation assez forte de joie venant inonder mes papilles sentimentales. Je m'efforce de ne pas me laisser dépasser par tant de force. Et je savoure, à fond, ces instants éphémères et uniques.
Le défilé en lui-même n'est qu'un long moment de bonheur, entre chorégraphie et déplacement. Un bonheur simple et vrai qui a la bonne idée de pouvoir être partagé avec d'autres, des connus et encore bien plus des inconnus.

Bon, assez parlé des sentiments, je ne me débrouille pas trop bien sur ce registre.

Le défilé est l'occasion de rencontrer plein de gens, de façon différentes.
Les premiers sont les autres danseurs, ceux avec qui ont a répété tant de fois.
Et puis, il y les étoiles filantes, comme le chauffeur du bus qui nous à conduit de Villeurbanne à l'hôtel de ville de Lyon. Un homme placide, dont le sourire affichait une belle tranquillité.
Comme le roller qui nous a conduit du quai du Rhône jusqu'à notre "loge" près de la Saône. Une cigarette roulée au bout des doigts, attentif à ce que toute la troupe reste ensemble pour ne perdre aucune oie blanche, il m'a confié ce qui lui pesait en ce moment de sa vie.
Comme la couturière que nous avions deux ans auparavant. Surpris de la voir avec l'autre groupe qui partageait l'école où nous "logions", content de voir son nouveau travail porté par plus de cent personnes.



Et aussi comme chacun des ces inconnus, massés sur le parcours, vieux ou jeune, debout ou assis sur le bord d'un trottoir, entre des jambes de papa ou de maman, inconnu aux yeux interrogateurs avec qui on échange une parole, un sourire, un silence de connivence.

Bien sûr, le stress est quand même un peu là, et on s'en aperçoit quand, à la fin du premier cycle de danse, la gorge est sèche et la langue pâteuse. Un coup de flotte, et hop, on repart.
Je ne sais pas combien de fois on a fait et refait la chorégraphie. Chaque fois était pareille à la précédente, mais unique aussi. D'autant que nous n'avions pas mis d'ordre précis entre nous, les rollers, lorsque nous faisions nos figures. Ça aussi, c'est une belle liberté.
Tendre l'oreille pour capter des morceaux de musique, guetter les danseurs pour passer entre eux au bon moment. Surveiller le déplacements des danseurs les plus remuants, pour ne pas les percuter. Éviter les caméras des télévisions qui semblent surgir du sol ou tomber du ciel. Sourire, respirer profondément pour faire tomber la tension, sourire, bouger les bras (avec grâce ???), lancer un cube, s'asseoir sur un autre. Repartir en slalomant d'un groupe à un autre. Sourire, jouer et prendre du plaisir, donner du plaisir. Faire la farandole, se dire que les applaudissements sont pour nous.

Et puis, soudain un cri part de la foule. Un ami ou une connaissance m'appelle. Bon, ils ont bien compris que c'est la seule méthode pour que je les vois. Si je peux, je vais les saluer, sinon, ce sera pour une autre fois. Une bise, ou deux et il faut continuer.

Cette année, je n'ai pas vu les bâtiments de la rue de la Ré, à peine le goudrons et les dalles. Nous nous sommes retrouvés sur la place Bellecour en ayant l'impression de débuter le défilé. Je me rappelle être passé devant la Fnac, le Printemps, mais pas la bourse ni le Grand Bazar.

Et tout ces visages. A chaque fois, je me demande s'ils aiment ce qu'ils voient. A chaque fois, je me demande ce que je peux ou veux donner de moi, sans tomber dans le facile ou le laid. A chaque fois, je repousse ce sentiment que je suis jugé, voir condamné. A chaque fois, je me pousse pour me dépasser, pour être à la hauteur de ce que j'aimerais voir si j'étais à leur place. Et pour ne pas avoir peur de leur jugement, je ne les juge pas, j'essaie d'être le plus accueillant possible à la différence que j'imagine entre eux et moi. Vivre sous le regard des autres est une banalité qui prend ici une allure singulière.



L'arrivée est là trop tôt, trop vite. On essaie de garder encore de cette magie étalée le long des rues, mais la poudre s'est envolée.
On se retrouve alors sur la place, surpris de se revoir marcher, étrangers et familiers parmi tous ces autres qui ont dansé ou qui ont attendu un parent ou ami qui dansait. Le village accueille nos premiers soupirs retenus, attablés pour avaler quelques sandwichs et des bananes.
Sourire, échanges d'impressions, bonheur qui se dit. Le soleil éclaire nos visages réjouis.
On admire, encore, par dessus les palissades, les derniers groupes qui passent, on danse encore aux rythmes de la samba, on apprécie les derniers costumes chatoyants.
Et puis, il faut se rendre à l'évidence, il est temps de partir, de repartir. Sans nostalgie, avec une sensation d'accompli et de plénitude paisible.
Adieu cotillons et musiques entraînantes, adieu chorégraphie et petit train, adieu les convections et les oiseaux, adieu le conseil des sages et les dégoulinages. A la prochaine.

De retour aux loges, je remercie les chorégraphes qui ont su nous emmener dans leur monde de danse et de relations. Nous reprenons le bus, les lumières s'allument, la nuit couvre les confettis et notre fatigue. Demain et déjà aujourd'hui dans la légende d'avenir.

Allez, rendez-vous au prochain défilé de la biennale de la danse de Lyon, dans deux ans.
En attendant, la biennale continue !

Ps : j'ai juste "oublié" de dire aussi combien j'ai du plaisir de vivre tous ces moments avec mes enfants. Un vrai plaisir, vrai de vrai.
Ps bis : j'ai mis toutes les photos en ligne. A vous de voir.

Défilé de la biennale de la danse de Lyon 2008.

5 commentaires:

Calyste a dit…

Ce que tu donnes de toi, c'est le meilleur, c'est toi. Moi, ça m'enchante, au sens des enfants qui s'émerveillent devant l'histoire qu'on leur raconte.
J'attendais ton billet avant d'aller au lit.Tu m'as raconté une belle histoire, là.
Je t'embrasse.Dors bien.

JaHoVil a dit…

Je t'embrasse aussi et fais de beaux rêves.

Calyste a dit…

En fait, pas dodo, photos. Tu me connais! Je viens de Flickr, j'ai (presque) tout vu: superbe. Je t'envie les visages. J'aime beaucoup aussi les cubes.
Cette fois, c'est dodo, pour de bon.
Bisous.

Anonyme a dit…

La galère de la préparation du défilé a fait place à la joie et à un défilé, comme à chaque fois génial.
Une semaine avant le défilé, je me suis dis que je ne referais pas le défilé une 5ème fois car cela me prennait trop de temps, trop l'esprit. Mais aussi je me donnais à fond et j'étais déçu par la réactions de certaines. Et puis viens le défilé, les gens, cette heure et demie passée sous les regards de dizaines de milliers de gens... ba franchement, dans deux je reviens, pour sûr!

p.s: je suis au boulot, et ton p.s me prend à la gorge...raaah! C'est réciproque!

Gros bisous et à très vite.

Gaspard38 a dit…

Bravo, trés belles photos.
Bon je ne me vois pas mais c'est pas le plus important, l'important était de participer et de se faire plaisir, c'est un moment unique je pense ou les anonymes passent dans la lumière....
Pour ceux ou celles qui cherchent des photos des pointillés qui ont ponctués ce défilé je vous propose d'aller voir par là: http://gaspard38.blogspot.com/
mais il faut aimer le rouge et le blanc..
A+ gaspard38