jeudi 24 mars 2005

Amoureux

Accoudé sur le parapet, je profitais de ce chaud soleil de mars.
Le spectacle des gens qui passent est toujours un réel plaisir. J'aime imaginer leur vie, comprendre leurs attitudes, rêver parfois d'une rencontre.
Pourquoi pas celui-ci en pantalon cuir ? ou celui-là aux pecs dessinés sous le polo noir ?
Le soleil me rappelle à l'ordre et m'éblouit un bon coup : je ne vois plus rien pendant un petit moment.
C'est comme ça que je ne les ai pas vu arriver près de moi, mais plutôt sentis et entendus.
Le plus petit, brun, pas rasé, un peu musclé, a étalé des vêtements mouillés (enfin c'est ce que j'ai cru comprendre) sur le parapet, à ma gauche, pour les faire sécher. "Au point où on en est !".
Le plus grand, blés délavés, petites plaques rouges au bord du nez, torse creux dans un t-shirt bleu, a dû lui répondre quelque chose que je n'ai pas capté.
Il tenait un appareil photo dans la main droite, et se reculant de deux pas, il a pris son copain en photo. Puis s'est rapproché de lui, tout près pour lui dire quelque chose, et, délicatement, lui a caressé le torse du revers de la main gauche, dans un léger mouvement vertical.
D'un seul coup, j'ai eu l'impression d'être entre eux deux, d'être à la fois l'un et l'autre, comme associé à cette caresse.
Le brun ne semblait pas répondre à cette attention, regardant à droite et à gauche, comme si le paysage était plus attrayant.
Et, sans crier gare, les deux visages se sont rapprochés, de plus en plus, jusqu'à ce que les lèvres se rencontrent en un baiser des plus naturels.
Puis, tout a repris comme avant, mine de rien.
J'ai un moment hésité à leur proposer de les prendre en photo, mais sans parvenir à surmonter ma 'timidité'. Et, je crois que s'ils en avaient eu l'idée, ils me l'auraient demandé.
Ont-ils vu que j'avais vu ? Que je les regardais derrière mes lunettes ?
Puis l'un d'eux a sorti un paquet de clopes un peu cabossé, en a extirpé une, puis deux, et a allumé la sienne.
Je suis parti de là, me retournant plusieurs fois, leurs regards tournés vers moi.
Une dernière fois je me suis arrêté, les ai contemplés de loin, me demandant si je n'allais pas faire demi-tour pour aller leur parler. Ils me regardaient encore, enfin je crois, je ne sais pas vraiment.
Après un long soupir, je les ai laissés, partant seul, le coeur léger et lourd à la fois.

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