samedi 23 avril 2005

Attente

Il est 19h00, les cloches me le confirment. Je presse le pas pour ne pas être en retard.
Dans tous ces boutons, je trouve le bon. "Oui ?" . J'hésite, je ne sais plus quoi dire, puis finalement "Bonjour, c'est monsieur *****". Bzzzz, le loquet se débloque, je prends une photo de la cathédrale, pousse avec peine la porte massive.

Un premier petit couloir tapissé de boîtes aux lettres, une petite cour, un escalier jusqu'au premier. Je m'apprête à frapper, faute de sonnette visible, quand la porte s'ouvre. Echange de bonjours, excuse pour le rendez-vous qui n'est pas terminé, il m'accompagne jusqu'à la salle d'attente.
Les murs sont peints de couleurs franches, jaune, bleu, carmin, blanc, chaque pièce ou couloir ayant leur palette propre.

Des voix résonnent derrière les portes fermées, les pas sonores rythment les propos.
En passant la porte, j'hésite - encore une hésitation, je dois être troublé - puis lâche un faible bonjour comme un mouchoir qu'on laisserait tomber. Deux femmes sont là, une seul semble avoir entendu et me répond.
Silence ponctué par les pages glacées qui se tournent.
Je choisis une chaise à dossier rond, pose mes affaires et vais jeter un coup d'oeil à la fenêtre qui donne sur une autre cour intérieure.
Je mémorise le lieu par une photo, puis vais m'assoir.

Je reste là, sans rien faire, attendre, penser, dormir peut-être.

Au loin, des conversations, des éclats de voix comblent le vide des murs muets.
Un bruit de pas féminin annonce la venue d'une chevelure bonde et bouclée. "Madame *****", lance un bref regard puis repart immédiatement. Une des femmes se lève et quitte la pièce.
Celle qui reste en face de moi est absorbée dans un livre, tête baissée. Son aspect est fragile, presque chétif. Un instant elle repousse le livre, relève la tête. Je vois son visage, marqué, déformé, sa bouche qui pend légèrement sur un côté souligné par un pli sombre. Ses yeux chavirent derrière des lunettes fines et élégantes, comme si elle poursuivait intérieurement sa lecture. Elle semble ne pas respirer, dodeline de la tête, puis replonge dans son livre en déplaçant le marque-page.
Nous ne restons pas seuls longtemps, un homme entre, dit le traditionnel bonjour auquel je réponds seul, puis s'assoit sur la chaise à ma gauche. Je le regarde du coin de l'oeil. Une de ses chevilles est habillée d'une attelle en plastique qui recouvre en partie sa mini chaussette bordée de bleu turquoise.
Mes pensées vagabondent, mon regard scrute et observe. Le voilà qui se lève, change de place, met sa tête entre ses mains comme pour pleurer, immobile, soupire, attrape un dépliant et essaie de s'absorber dans son déchiffrement.
De nouveau des pas, puis la même chevelure qui invite ma voisine à venir. Elle referme le livre, rassemble ses affaires posées à sa droite sur la banquette. Elle se lève, chancelante, prend son sac à main et son manteau avec des gestes saccadés. Sa robe ne peut que confirmer sa maigreur et démontrer son très bon goût vestimentaire. Elle s'échappe en claudiquant, élégante impératrice romaine dans ses escarpins pointus. De la très grande classe !
Me voilà seul avec cet homme. En silence, comme dans un lieu de prière.
Il me reste combien de temps encore à attendre ?

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